L'histoire religieuse de Plobsheim

1427 : création d'une paroisse catholique

Plobsheim est, au Moyen Age, une seigneurie de l’Empire germanique. Son seigneur fait partie de ces 90 chevaliers d’Empire qui relevaient de l’empereur auquel ils avaient rendu un service. Il avait droit de chasse, de pêche. Il entretenait un cheval et une armure. Plusieurs seigneurs se succèdent dans ce fief. 

En 1416, Johann Von Eckerich, le fondateur de la dynastie des Zorn à Plobsheim, acquit les droits patronaux sur le village et donc sur son église. Il les cède en 1427 à Lintelmann II de Rathsamhausen, seigneur de Wiebolsheim, dont la mère Suzanne était une Zorn. Le transfert est facilité par la suituation géographique : du domaine des Rathsamhausen s'étendait une pointe de terre jusqu'à la rivière (Dorfgiessen) de Plobsheim.

Vers 1427, Lintelmann II de Rathsamhausen y fait construire, plus par intérêt que par zèle religieux, le choeur et la vieille sacristie attenante à l'est : c'est l'édifice le plus ancien de Plobsheim. Plus proche d'une chapelle que d'une église, elle est plus petite que la chapelle du Chêne qui sera construite en 1454. Les nouveaux maîtres y envoyent leurs sujets en prélevant la moitié de la dîme. 

Il y a 2 dîmes : une dîme civile pour les Zorn et une dîme ecclésiastique qui revient en partie au prêtre et en partie aux Rathsamhausen pour l'entretien de l’église et du presbytère.

1517 : la Réforme par Luther

En 1517, Luther affiche ses 95 thèses en latin contre les indulgences. Ce moine catholique veut en finir avec les abus. L’argent ne doit pas mener au paradis. Il veut aussi que la messe se fasse dans la langue du peuple. La ville de Strasbourg le suit en 1523. Le magistrat décide de s’en tenir aux Saints Evangiles :

1er principe : la seule Ecriture qui compte est la Bible.
2ème principe : le Salut seul par le Christ mort sur la croix. Plus de Saints ni de culte de la Vierge.
3ème principe : seule la Foi sauve.

En 1529, à la Diète de Speyer, on a appelé les partisans de Luther « protestants ».
En 1530, la Confession d’Augsbourg est présentée à Charles Quint, alors à la tête de l'empire germanique, par les princes, dont le Stettmeister de Strasbourg.

En 1542, le pape Paul III convoque le concile de Trente. Il est le dix-neuvième concile œcuménique reconnu par l'Église catholique, en réponse aux demandes formulées par Martin Luther et Jean Calvin dans le cadre de la Réforme protestante. Il débute le 13 décembre 1545 et se termine 18 ans plus tard, le 4 décembre 1563.

Le principal résultat du concile de Trente est l'affirmation rigoureuse de la doctrine catholique contre le protestantisme. 

De 1562 à 1598 vont se succéder huit guerres civiles en France, opposant partisans du catholicisme et partisans du protestantisme. 

1562 : Plobsheim devient paroisse protestante

Les Zorn de Plobsheim deviennent protestants en 1523 en même temps que la ville de Strasbourg.

En 1533, ils introduisent la Réforme à Oberhausbergen et à Blaesheim et  à Gerstheim en 1546. Mais pourquoi Plobsheim ne devient-il protestant qu’en 1562 ?

C'est que Plobsheim appartenait encore à l’empereur Charles Quint, défenseur du catholicisme. Les Zorn tenaient à garder leur fief, donc prudence !

En 1556, Charles Quint démissionne, déçu par les querelles religieuses. Son frère, Ferdinand, roi de Rome, connaît mieux l’allemand que Charles élevé en Espagne, il est plus tolérant. Son fils Maximilien est même suspecté de protestantisme.

Alors les Zorn osent réformer le village de Plobsheim en 1562. Les habitants sont obligés de se convertir. Durant 126 ans, de 1562 à 1688, l'église est exclusivement réservée au culte protestant. 

Hiéronimus Duppelius, venant de Franconie, est le premier pasteur du village. En 1570, pendant qu’il séjourne dans sa famille, le presbytère brûle ! Qui est l’incendiaire ? Les Plobsheimois proposent un soldat maraudeur, un vagabond affamé ou un villageois réfractaire à la Réforme. Le pasteur revient mais meurt en gaulant des noix ! Sa fille épousera un boulanger du village.

1589 : tentative de récupération du fief de Plobsheim

Dans les années 1580, l'empereur Rodolphe II tenta d'annexer le village et de réintroduire la religion catholique. Le 23 mars 1589,il accorde le droit d’achat du fief de Plobsheim à Eberhard Warnbold von Umstätt et il est retiré aux Zorn pour une courte durée. 

Grâce à leur cousin Johann Wilhelm von Bootzheim, dont la mère était une Zorn de Plobsheim, les Zorn récupèrent 5/6ème du fief, le cousin en garde 1/6ème et grâce à la protection de la ville de Strasbourg, Plobsheim est resté protestant.

En revanche, l'ancienne chapelle « Maria zum Eich » dans la forêt de Thumenau, à un kilomètre du village, construite par la famille Zorn vers 1147 et cédée par la famille Zorn aux luthériens en 1570, est restituée aux catholiques par Rodolphe II en 1589.

Au 17e siècle : la Guerre de Trente Ans et la Guerre de Hollande

En 1588, les premiers registres paroissiaux sont mis en place à Plobsheim par le pasteur Paulus Alberus qui meurt accidentellement durant le Guerre des Évêques.

Pendant un temps, il n’y a plus de pasteur, la paroisse est desservie à cheval. En 1593, David Brehm est nommé pasteur de Plobsheim et le restera pendant 29 ans.

Durant la guerre de Trente Ans, les habitants de Plobsheim fuient à plusieurs reprises vers les remparts d’Erstein, d’Obernai ou de Strasbourg. Les troupes de Mansfeld, mercenaire au service des protestants allemands, vivent sur le dos des habitants en leur prenant leurs vivres. En 1622, le pasteur Brehm doit fuir lui aussi devant ces troupes en se réfugiant à Strasbourg. Il est mis à mal par une horde de soldats pillards et meurt quelques jours après à Strasbourg.

Durant la Guerre de Hollande, les combats que se livrent Turenne pour les Français et Montecuccoli pour les impériaux ne va pas épargner Plobsheim. Strasbourg ayant interdit à Turenne de traverser le Rhin sur le pont de Kehl, il fait construire un pont de bateaux près de Plobsheim le 22 juin 1675. Un mois plus tard, il est tué par un boulet en pleine poitrine, à la bataille de Sasbach en Bade. Les Français reviennent en Alsace et établissent un camp retranché entre Plobsheim et Eschau. Jusqu’à la Paix de Nimègue (1678), Français et impériaux parcourent l’Alsace, profitant d’une rencontre pour se livrer bataille, mais détruisant volontairement les récoltes pour se ruiner mutuellement. Durant cette période troublée, la paroisse protestante reste sans pasteur. De 1675 à 1679, aucun registre paroissial n’est tenu.

1684 : Changement de seigneurs et réintroduction du catholicisme

En 1648, Louis XIV obtient l'Alsace après la signature du Traité de Westphalie, sauf la ville de Strasbourg et les 10 villes de la Décapole. En 1679, les villes de la Décapole jurent fidélité au roi (Colmar, Hagnenau, Kaysersberg, Mulhouse, Munster, Obernai, Rosheim, Sélestat, Turckheim et Wissembourg) et Strasbourg cède à son tour en 1681.

A partir de cette date, l'Alsace entière est française et la religion catholique est réintroduite.

Louis XIV change les seigneurs de Plobsheim : pour récompenser Güntzer, qui a œuvré pour le rattachement de Strasbourg à la Couronne de France, et son beau-frère Kempfer, syndic de la chevalerie d’Empire, Louis XIV leur donne Plobsheim. Les Zorn, n’ayant pas fait allégeance au roi de France, en sont dépossédés.

Et les deux nouveaux seigneurs redeviennent catholiques pour plaire à Louis XIV. Leurs fils les suivront, mais leurs épouses resteront protestantes de même que leurs filles. Par la suite, leur descendance sera catholique, mais en bons termes avec les protestants.

On crée une paroisse catholique à Plobsheim. Les registres paroissiaux catholiques commencent en 1688.

La seule église de Plobsheim passe sous le régime du simultanéum : les offices religieux ont lieu alternativement entre catholiques et protestants selon un ordre précis et rigoureux. 
En 1750, l'église est agrandie de la moitié ouest de la nef à laquelle on adjoint le clocher. 

Révolution de 1789

En 1788, lors de la création des conseils municipaux, le pasteur Copia, originaire de Landau en Allemagne mais le seul à savoir le français, est le premier maire du village.

L’une des premières décisions de la municipalité est l’acquisition d’un orgue pour l’église paroissiale. Cet orgue est construit par Jean Nicolas Toussaint, facteur d’orgue de Westhoffen. Le 6 juillet 1789, un expert reconnaît la conformité de cet orgue. Mais sans plan de financement confirmé par leurs supérieurs, les membres de la municipalité sont condamnés à payer une partie du prix de leur poche. La seule partie d'origine qui reste de cet orgue est le buffet.

Mais la Révolution éclate. On élit une nouvelle municipalité avec un maire plus révolutionnaire : le curé François Martin Lizaire.

Les Rathsamhausen et les Güntzer ayant émigré, leurs biens sont vendus comme biens nationaux.

Vers 1793-1794, l'église connait une profanation sans précédent : les sépultures des nobles -dont les plus anciennes dataient du 15e siècle- à l'intérieur de l'église sont vidées (familles Rathsamhausen, Zorn de Plobsheim, de Güntzer et de Kempfer entre autres), les dalles morturaires dispersées et utilisées par les habitants pour leurs maisons. Le cimetière attenant connait le même sort. A la fin de l'année, tous les objets de culte, protestants et catholiques, sont retirés, l'église déclarée Temple de la Raison et le culte de l'Être Suprême introduit. 

Un agriculteur nommé Fuchs achète le presbytère avec la grange et en fait une ferme.
Après la Révolution, la paroisse doit racheter ce bien. Le pasteur Brenner le paie de sa poche. Puis la paroisse le rachètera au pasteur.

Les esprits se calment avec l'arrivée de Bonaparte et la proclamation de l'empire napoléonien. 

En 1841 un projet d'agrandir l'église voit le jour mais n'aboutit pas.

 

1862 : création d'une deuxième paroisse protestante "protestataire"

En 1850, un instituteur luthérien, Jacques Kuhn, venant du pays de Hanau, arrive à Plobsheim. Avec la Révolution, le culte de la Raison a amené le rationalisme comme religion officielle et le libéralisme comme dogme. L’instituteur Kuhn est en désaccord avec le pasteur Lechten très libéral, le pasteur de la paroisse officielle de Plobsheim et l'instituteur sera déplacé.

Des habitants de Plobsheim, adeptes de cet instituteur, vont alors fréquenter les paroisses de Graffenstaden ou de Saint Pierre le jeune de Strasbourg. A Obenheim, un jeune pasteur vicaire, August Friedrich Stricker, se fait remarquer pour ses prédications plus proches de la Confession d’Augsbourg. Mais le Directoire libéral ne le veut pas trop près de Strasbourg. Ce pasteur sera destitué. Alors ses partisans crééent une deuxième paroisse protestante "protestataire", ou schismatique (un schisme est une séparation en religion) : une à Plobsheim, une autre à Gerstheim, qui regroupe les paroissiens d'Obenheim et Daubensand.
Des Plobsheimois rejoignent cette nouvelle paroisse pour la raison suivante : le pasteur officiel, le pasteur Lechten, ayant appris que des confirmants étaient au bal avant d’être confirmés, refuse de les confirmer. Outrés, leurs parents se rallient au pasteur schismatique.

Mais les paroissiens doivent financer eux- même le pasteur. Ils vont construire un presbytère en 1863 rue de la scierie. Ce bâtiment sert de lieu de culte au rez-de-chaussée et de logement au 1er étage pour le pasteur et sa famille. Puis ils vont construire une église en 1886 à côté du presbytère. Ils sont aidés par la Société Luthérienne des Missions intérieures et extérieures. August Stricker décède en 1907. Son fils ainé, pasteur lui aussi, le remplace mais il ne reste qu’un an.

Quatre pasteurs lui succèdent encore.
En 1926 arrive le sixième et dernier pasteur schismatique, Georges Striebeck. Il est aussi artiste, et Martin Deutsch possède un pastel de cet homme.

Nombre de personnes par paroisse fin 19e siècle

En 1865, Plobsheim compte 1 506 habitants, dont 533 catholiques, 959 luthériens et 14 juifs.

En 1895, le nombre de catholiques a diminué : pour 1 467 habitants, on ne compte plus que 360 ​​catholiques et 1 117 protestants.

En 1905, il y avait 1167 protestants dont 382 luthériens "schismatiques" et 357 catholiques pour un total de 1524 habitants.

 

1898 : construction d'une 2ème église à Plobsheim

La construction de l'église protestante de Plobsheim est l'oeuvre du pasteur Carl Schuller.

En trouvant 1126 âmes dans sa paroisse en 1891 lors de sa nomination, il se fait une nécessité de construire une nouvelle église plus spacieuse, puisque celle servant aux deux confessions ne comprenait que 270 places (l'actuelle église catholique). 

De par ce projet, il espère aussi faire revenir les paroissiens "schismatiques" dans la paroisse officielle. La réunification ne se fera qu'après son décès. 

Lors de la réunion du conseil presbytéral du 21 juillet 1895 il est décidé de construire la deuxième église.

1930 : réunification des deux paroisses protestantes

En 1930, le pasteur Schuler de la paroisse protestante officielle décède. C’est la fin du schisme. Le pasteur Bach, de Fénétrange, succède au pasteur Schuler, et le pasteur Striebeck de la paroisse schismatique part à Fénétrange pour y remplacer le pasteur Bach. Il sera le réunificateur !

Mais la véritable union se fait en Dordogne. Les Plobsheimois, en exode, sont contents de se retrouver et se serrent les coudes.

Cette affaire s’est finalement réglée dans une certaine indifférence, car l’esprit religieux a disparu après les horreurs de la Grande Guerre et la montée du mouvement ouvrier communiste à l’usine SACM d’Illkirch-Graffenstaden où travaillaient beaucoup de Plobsheimois.

Sources :
- Conférence de Martin Deutsch à l’issue de l’Assemblée Générale du Giessen, 31 mars 2006
- L'histoire de la chapelle Notre-Dame-Du-Chêne par le curé Lagel, traduite en français par Eugène Ortlieb. 
- "Le clergé et les théologiens protestants en Alsace et en Lorraine de la Réforme à nos jours" de Marie-José Bopp

 

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