August Friedrich Stricker, pasteur schismatique

August Friedrich Stricker est arrivé à Plobsheim en 1872 en tant que premier pasteur de la paroisse protestante «protestataire».

Pour bien comprendre son histoire, il faut remonter au 19e siècle et même avant : depuis le 18e siècle, la population de Plobsheim était partagée entre catholiques et protestants, largement majoritaires. Les deux paroisses se partageaient la seule église de l'époque, (église catholique actuelle), dans le cadre du « simultaneum ». En 1865, Plobsheim comptait 1 506 habitants, dont 533 catholiques, 959 luthériens et 14 juifs.

Mouvement libéral / Mouvement de renouveau luthérien

Durant ce siècle, le mouvement de renouveau luthérien, initié par Friedrich Theodor Horning (1809-1882), pasteur de l'Église Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg, s'opposait farouchement au mouvement libéral exprimé par le «Progrès religieux». Ce mouvement de renouveau luthérien donna naissance à plusieurs congrégations protestataires en Alsace, qui se constituèrent en paroisses totalement indépendantes de la direction suprême de la Confession d'Augsbourg. La première église protestante protestataire fut fondée à Plobsheim.

Dans les années 1850, des paroissiens de Plobsheim se mirent à adhérer à la position orthodoxe prônée par Horning et commencèrent alors à fréquenter les paroisses de Graffenstaden ou de Saint Pierre le jeune de Strasbourg. Au même moment, le conflit religieux s'était étendu aux communes voisines d'Obenheim et de Daubensand. En 1871, le pasteur titulaire d'Obenheim était secondé par un vicaire, August Friedrich Stricker, qui soutenait les convictions confessionnelles de Horning.

Vicaire à Obenheim

August Friedrich Stricker, né le 31 mars 1845 à Neuviller-les-Saverne, après des études au Gymnase Jean Sturm puis à la Faculté de Théologie de Strasbourg, obtint son Baccalauréat de théologie le 25 juillet 1871. Trois jours plus tard, il fut nommé pasteur-vicaire à Obenheim.

En 1872, le pasteur titulaire étant décédé, les citoyens réclamèrent la nomination de Stricker comme pasteur. Mais sous l'influence d'un inspecteur de l'Inspection Saint-Thomas, le pasteur Friedrich August Schad, «rationaliste notoire», fut nommé.

August Stricker, resté à Obenheim, fut convoqué devant le Directoire de Strasbourg le 3 décembre 1872. Une déclaration commune de 138 familles d'Obenheim, Daubensand, Plobsheim et Gerstheim s'opposait au transfert de Stricker, déclarant vouloir «garder M. Stricker comme pasteur évangélique luthérien fidèle à sa confession».

Mais August Stricker fut démis de ses fonctions de pasteur intérimaire d'Obenheim le 19 décembre 1872.

La paroisse protestataire vit le jour à ce moment-là. Les membres de cette nouvelle paroisse furent surnommés «d’Schismàtiker », un schisme étant une séparation dans une religion.

Pasteur "schismatique" à Plobsheim

Marié avec Emma Gourmez le 9 avril 1872 à l'église Saint-Thomas de Strasbourg, le couple s'installa dans un premier temps dans un «petit château» dans la forêt de la Thumenau au sud de Plobsheim, appartenant à un conseiller presbytéral de la commune, M. Grüber, adepte de Stricker. C'est là que naquit leur premier enfant Eberhardt.

Plobsheim, qui, comme Obenheim, avait un pasteur titulaire de la paroisse nommé par le Directoire, devint alors le siège de la congrégation protestataire, avec des antennes à Gerstheim, Obenheim et Daubensand. Le Directoire ayant refusé que l'église soit utilisée pour le culte, les dissidents s'en sortirent en utilisant d'autres lieux de prière.

Au mois de mai 1873, un presbytère fut construit pour le pasteur et sa famille rue de la scierie. C'est là qu'Auguste Stricker habita pendant 34 ans avec ses neuf enfants qui grandirent dans cette maison. Le logement était situé au 1er étage, le rez-de-chaussée servant de lieu de culte.

En 1886, la Société Luthérienne des Missions intérieures et extérieures aida la paroisse à financer la construction d'une église : il s'agit du bâtiment à côté du logement, rue de la Scierie. August Stricker eut une joie particulière à inaugurer le 15 août 1886 cette nouvelle «église protestataire».

Ses enfants

Des problèmes de santé firent souffrir le pasteur et l'empêchèrent momentanément d'exercer son ministère dans les années 1890. En 1899, la mort de Fritz à l'âge de 19 ans, son deuxième fils né en 1880, l'éprouva cruellement. Fritz fut enterré au cimetière de Plobsheim.

Mais il eut aussi la joie de voir grandir et progresser ses autres enfants :

- Eberhardt l'ainé né en 1873 devint pasteur. Il exerça à Plobsheim en tant que pasteur de 1907 à 1908 après le décès de son père.

- Magdalena née en 1874 : professeur de musique à l'école normale protestante de jeunes filles de Strasbourg.

- Margaretha née en 1876 : institutrice.

- Martha née en 1878 : sœur diaconesse.

- Emile né en 1882 devint lui aussi instituteur et fut un organiste remarquable. Il était titulaire de l'orgue Silbermann de l'église Saint-Thomas à Strasbourg. Avec la collaboration d'Albert Schweitzer il restaura cet instrument.

- Hannah née en 1885 et Lydia née en 1888 devinrent elles aussi sœurs diaconesses.

- Et Martin né en 1887, le plus jeune des fils, fréquenta la célèbre école des Missions de Hermansburg en Allemagne du Nord. A la fin des études, il répondit à un appel des Eglises Luthériennes du Canada et des Etats-Unis. C'est ainsi qu'il partit en Amérique du Nord. Il fut chargé d'entrer en contact avec les nombreux immigrés allemands luthériens qui se sont établis dans les immenses plaines du Far-West dans le but de les réunir en des paroisses. Pour prendre contact avec ces fermiers, il se déplaça les premiers temps à cheval. Il put créer cinq paroisses et construire cinq églises. Il se maria avec Martha Olga Giese, de descendance allemande et s'installa dans le Nebraska. Ils eurent une fille, Magdalen, qui prit le nom de son époux, Kuper. Ces derniers eurent deux garçons : Richard et James.

Tombes familiales au cimetière de Plobsheim

Rencontre avec des descendants du pasteur Stricker

Le lundi 13 septembre 2025, nous avons eu la joie de faire la connaissance de deux descendantes du pasteur et de sa femme :
- Véronika, petite-fille d'Emile Stricker, et donc arrière-petite-fille d'Auguste et Emma Stricker
- Liz venue des Etats-Unis avec sa famille, arrière-petite-fille de Martin Stricker et donc arrière-arrière-petite-fille d'Auguste et Emma.

Liz et Véronika ont été accueillies à la Mairie avant de se rendre au cimetière pour voir les deux tombes familiales puis rue de la Scierie pour y découvrir l'ancienne église schismatique ainsi que le bâtiment qui a servi de logement à leurs ancêtres.