Qu'est-ce qu'un routoir ?

Un routoir est un bassin qui sert pour le rouissage du chanvre.

Le rouissage consiste à tremper les tiges de chanvre dans l'eau durant une semaine afin de séparer les fibres de l'écorce. En alsacien on appelait cela autrefois le « Hanefries ».

Cette plante était très importante au 19ème siècle à Plobsheim : elle occupait jusqu'à un quart des surfaces cultivées et servait à fabriquer du tissu et des cordes. D'où la présence dans le village de cordiers et de tisserands en chanvre, et d'où la rue des Cordiers au centre de la commune. Le chanvre était aussi vendu à des marchands sous forme de ballots, c'était pour les paysans un revenu non négligeable.

Les tiges de chanvre pouvaient atteindre entre deux et trois mètres de hauteur. La récolte avait lieu en été : on arrachait les plants et d'un coup de sabot à la racine, on faisait tomber la terre. Ensuite on faisait des gerbes avec les tiges d'égale longueur, liées bien sûr avec une corde en chanvre. Ces gerbes étaient mises à sécher au soleil. Puis on les frappait contre un mur ou un arbre pour en faire tomber les feuilles et les fleurs.

Ensuite elles étaient amenées au routoir en charrette pour le rouissage.

Les gerbes étaient disposées au fond d'un bassin et recouvertes de planches alourdies de pierres, pour qu'elles restent bien au fond et trempent pendant une semaine jusqu'à ce que l'écorce, ou filasse, se détache du cœur de la fibre. Enfin les gerbes étaient sorties de l’eau et les fibres pouvaient être récupérées.

Une fois l’opération terminée, les eaux polluées étaient rejetées en pratiquant des chasses, c'est-à-dire en faisant venir un courant d'eau destiné à nettoyer le routoir.

 

Photos anciennes de récolte et rouissage du chanvre dans l'Orne et la Sarthe

L'histoire du routoir de Plobsheim

Etant donné la quantité de chanvre produite à Plobsheim au 19e siècle, il y avait un besoin conséquent de bassins de rouissage. Les cours d'eau de la commune n'y suffisaient pas ou étaient mal adaptés car le courant emportait les gerbes. De plus, du fait de la canalisation progressive du Rhin, les bras morts du fleuve qui étaient utilisés jusque-là commençaient à se dessécher.

En effet, la canalisation du Rhin a été entreprise dès 1817 par l'ingénieur allemand Johann Gottfried Tulla (voir article sur les bornes Tulla). Les travaux consistaient à endiguer et rendre plus rectiligne le lit du fleuve, notamment en coupant de nombreux méandres dans le but de faciliter la navigation et de prévenir les crues.

Le 4 mai 1845, le conseil municipal de Plobsheim a entamé les démarches administratives en délibérant sur l'établissement d'un routoir dans le secteur de la Niederau. S'y trouvait un pâturage communal, dans une zone plutôt humide. Avec une demande de prise d'eau dans le Bannaugiessen pour alimenter le routoir.

Les démarches administratives ont été fastidieuses et ont duré sept longues années. Le nombre de courriers échangés durant cette période (retrouvés dans les archives du Bas-Rhin) avec la Préfecture et les Ponts et Chaussées est considérable: l'administration était déjà bien tatillonne! Il faut dire qu'il y a eu des modifications de taille de bassin qui entraînait un besoin d'eau plus important. Ce changement risquait d'avoir une influence sur l'alimentation en eau du moulin de la Ganzau. Une enquête a donc été lancée. La question de salubrité publique s'est aussi posée: ces eaux stagnantes, fétides présentaient-elles un risque de maladie? A ce dernier point, la commune a répondu que la plus proche habitation se trouvait à plus de 500 mètres du futur routoir.

C'est finalement en 1852 que l'autorisation a été accordée, par décret signé par Louis-Napoléon, Président de la République, pour la construction du routoir et du barrage avec une alimentation en eau autorisée entre le 15 août et le 15 septembre. Hors de cette saison, le barrage devait être ouvert et la vanne fermée à clé, la clé de la vanne étant déposée à la mairie.

Deux bassins ont donc été construits et sur le Bannaugiesen, le barrage à poutrelles (que l'on appelle en alsacien "Butrelle") ainsi que la vanne et les aqueducs pour faire passer l'eau sous les rues de la Niederau et de l'Etang.

Plans, rapport et décret final d'autorisation pour le routoir

Le routoir devenu étang de pêche

Après la 1ère Guerre Mondiale, la culture du chanvre a pratiquement disparu à Plobsheim. L'importation de coton est venue concurrencer le chanvre et les agriculteurs se sont mis à cultiver le tabac qui s'est développé en Alsace à cette période-là. Le routoir n'a donc pas servi longtemps.

Le bassin est resté inutilisé pendant quelques années. En 1926 est créée l'association de pêche. Faute d'étang, le premier concours de pêche est organisé dans la rivière. Quelques années plus tard, la commune a confié la première partie du bassin du routoir à l'association de pêche. Dans les années 60, les pêcheurs ont obtenu la gestion de l'ensemble des deux bassins. D'importants travaux ont été réalisé : curage et approfondissement des bassins, construction du chalet des pêcheurs. Et le routoir a trouvé une nouvelle fonction.

 

L'agrandissement des bassins, le chalet des pêcheurs et concours de pêche

Mise en place d'un panneau

L'association Le Giessen a décidé de mettre en place un panneau sur le chalet de l'association de pêche pour rappeller que ces bassins servaient à l'origine, non pas à la pêche, mais au rouissage du chanvre. Le barrage construit sur la rivière est encore visible en pénétrant dans le jardin des arboriculteurs de Plobsheim, sur la droite de la rue de la Niederau.

L'étang de pêche et le barrage actuellement

Sources :
- "Histoire du routoir de Plobsheim" par R. Deiber, article paru dans le Giessen Infos n°6 de 2006
- "Histoire du routoir de Plobsheim" par R. Deiber, article paru en 2005 dans l'annuaire n°23 de la Société d'Histoire des Quatre Cantons

 

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