Dans ce camp prévu en 1942 pour les soldats de l’Armée rouge prisonniers par les Allemands, furent prisonniers plus de 18 000 hommes (bien plus que la capacité théorique) et on estime que 6 000 à 8 000 personnes y sont morts. Le camp ressemble à tous les autres camps des dictatures, avec ses 4 rangées de barbelés, ses 5 miradors, ses baraques surpeuplées, destinées chacune à recevoir en principe 120 prisonniers, mais en comptant jusqu’à 350.
Le site initial est un ancien polygone d’artillerie situé dans une zone boisée et marécageuse. À plusieurs reprises, les autorités ont augmenté la capacité du camp.
1 900 Alsaciens et Lorrains y ont mené une vie infernale à partir de juin 1943. Même si le gouvernement soviétique avait conscience de la situation tragique et anormale dans laquelle se trouvaient les soldats alsaciens et lorrains, et s’il faisait la différence dans la masse des prisonniers de guerre entre les Français et les autres, la vie dans le camp était très dure, marquée par la faim : la distribution d’une soupe claire dans laquelle nageaient quelques morceaux de betterave se faisait dans des boites de conserve vides.
Jean Trebès qui avait la chance de travailler dans les cuisines donnait souvent en cachette un morceau de pain à un de ses camarades moins bien loti, malgré les risques encourus. Il arrivait aussi à quémander un peu de Mahorka, nom du tabac, auprès des gardiens du camp. Les Kapos étaient « des Français, des Alsaciens ». Certains faisant régner l’ordre durement, avec des sanctions sévères en cas de manquement, comme la « corvée des chiottes, la nuit, par moins 40°». Leur chef ne serait jamais rentré en Alsace.Beaucoup de prisonniers sombrèrent dans le désespoir devant ce sentiment d’injustice, de trahison.
Michel Alfred Kapp, qui avait été frappé par un coup de crosse sur le visage, dut la vie à Jean Camisart, un jardinier de la Robertsau. La distribution de l’eau se faisait une fois par jour dans un tonneau. Les premiers servis n’en laissaient pas assez aux derniers. Pour mieux résister aux terribles hivers, les baraques, construites par les prisonniers eux-mêmes, étaient à moitié enterrées dans le sol. Des châlits en bois, à deux niveaux, avec moins de 2 m2 par personne, ne permettaient pas un sommeil réparateur.
Charles Schott raconte que tout le groupe devait se tourner en même temps. Ceux qui étaient morts durant la nuit étaient mis par terre et ramenés sur la place de l’appel le matin. Le manque d’hygiène était grave. Beaucoup mourraient du typhus.
Théophile Schreiber avait attrapé cette terrible fièvre et en serait mort si des camarades ne lui avaient pas donné des quignons de pain pour le requinquer.
Georges Lehmann et Louis Mutschler y laissèrent leur vie.