9. L' après-guerre : le difficile oubli

L'acte de capitulation fixe la cessation des hostilités au 8 mai à 23h01. La guerre prend officiellement fin sur le continent européen.

A Plobsheim, comme dans toute la France, va commencer l'attente de nouvelles des jeunes gens et jeunes filles, incorporés de force dans l'armée allemande ou partis dans le cadre du travail forcé en Allemagne. De nombreux Malgré-Nous alsaciens et mosellans, envoyés sur le front de l'Est, prisonniers des Russes, vont encore connaitre les souffrances de la faim, du froid et des maladies dans les camps russes. Plus de 22 soldats de Plobsheim vont passer par le terrible camp de Tambov.

Les soldats et les Malgré-Elles vont revenir progressivement à Plobsheim fin 1945 et peut-être même début 1946. 
Certaines familles vont rester sans nouvelles pendant des années et continuer à espérer jusque dans les années 50, tant qu'ils n'ont pas reçu de courrier officiel attestant le décès de leur proche, disparu sur le front. 

A leur retour, les Incorporés de Force auront du mal à raconter leur histoire. 
La plupart d'entre eux préfèrera se taire plutôt que d'aborder les horreurs qu'ils ont vécues ou encore pour ne pas avoir à justifier le port de l'uniforme allemand avec, en face d'eux, des personnes qui pourraient douter de leur sincérité. 

Le deuxième drame des Malgré-Eux et des Malgré-Elles va se jouer après la guerre : l'Histoire va les oublier.  

Depuis sa création, l'association Le Giessen a oeuvré afin de reccueillir des témoignages et de récolter des photos et documents au sujet des incorporés de force de Plobsheim. Ainsi, des articles ont pu être rédigés avec la participation active des derniers témoins de cette période. Ces articles ont été repris dans le dossier consacré à la 2e Guerre Mondiale. 

2009 : Témoignage d'Adolphe Baerst, incorporé de force en 1942.
2011 : Témoignage de Frédéric Goetz, incorporé de force en 1943.
2019 : Témoignages des incorporés de force de Plobsheim prisonniers au camp de Tambov. 
2024 : Témoignages des jeunes femmes incorporées de force au Reichsarbeitsdienst (RAD)
2025 : Exposition sur les Malgré-Elles de Plobsheim et projection du film documentaire de Nina Barbier "Jeunesses volées". 

Notre manière de rendre hommage à ces jeunes hommes et jeunes femmes de Plobsheim revenus de l'horreur de la guerre mais très souvent traumatisés. 

Les jeunes hommes incorporés de force / Anciens de Tambov après la guerre

Les Alsaciens décédés sous l’uniforme allemand auront le statut de « morts pour la France » dans les années 60. 

En 1965, lors d’une réunion des Anciens de Tambov à Obernai, il fut question de « réparations propres à leur situation ».

L’ouverture des Archives soviétiques, grâce au conseil départemental du Bas Rhin, a permis à présent aux historiens d’approfondir leurs recherches.
Les Russes s’intéressent également de plus en plus à ce pan terrible de leur histoire : les ouvrages des témoignages alsaciens sont de plus en plus traduits dans d'autres langues.

Depuis 1996, l’association "Pèlerinage Tambov" se rend tous les deux ans en Russie, sur le site de l’ancien camp d’internement à 400 km environ de Moscou. Durant l’été 2018, elle a inauguré le nouveau cimetière englobant une cinquantaine de fosses communes, un aménagement réalisé par des partenaires russes et financé par l’association grâce à diverses subventions et cotisations.

Espérons que le projet de graver le nom des 52 000 morts alsaciens et mosellans durant la seconde Guerre mondiale sur le Mur des noms au Mémorial de Schirmeck verra le jour, pour ne pas oublier définitivement les plus de 30 000 incorporés de force, morts pour la plupart sur le front de l ‘Est. 

 

Les Malgré-Elles après la guerre

Après la guerre, les séquelles sont nombreuses : maladies, cycle hormonal perturbé, familles disloquées, carrières manquées, jeunesse perdue. Elles ont du mal à se réadapter, honteuses d'avoir prêté serment au Führer et d'avoir travaillé pour l'ennemi, avec le sentiment de jeunesse volée. Celles qui y ont trouvé un épanouissement personnel ne sont pas nombreuses, même si certaines ont pu reconnaître avoir appris des choses et garder le souvenir de l'esprit de camaraderie.

Le silence qui a enveloppé ce fait de guerre pendant des décennies s’enracine dans des causes à la fois sociétales et politiques : devoirs de réserve, disparition de preuves, histoire « régionale » dans une France libérée.

Ces femmes, incorporées de force, doivent attendre 1957 pour obtenir le statut de «personnes contraintes au travail en pays ennemi».

En 1981, la Fondation Entente franco-allemande a été créée pour indemniser les Malgré-Nous, mais les Malgré-Elles n'ont pas été prises en compte.

Il a fallu attendre 2008 pour que la somme de 800 euros soit versée à celles qui étaient reconnues victimes du national-socialisme. Une reconnaissance bien tardive car la plupart d'entre elles n'étaient déjà plus de ce monde.

"Ce n'est qu'avec le passé qu'on construit l'avenir."
Puisse cette citation d'Anatole France nous accompagner, de même que le souvenir des 61 victimes de Plobsheim que nous continuerons d'honorer.



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