11. Amitiés d'après-guerre

Enfants nes en dordogne

Photo des enfants de Plobsheim nés en Dordogne en 39/40 
lors de la fête de la Libération le 14 juillet 1945

Si cette guerre va longtemps laisser des traces dans les cœurs des Pobsheimois, elle va faire naitre aussi de véritables amitiés. 

  • Pendant des années, un soldat de la 2ème DB rendra régulièrement visite à la famille Lutz

    Charles rappelle l'anecdote familiale :
    "Le jour de la libération de Plobsheim, un char vient se garer dans la cour familiale rue de la retraite. Pourquoi dans cette cour ? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c'est qu'un certain nombre de soldats est resté à Plobsheim après la libération pour sécuriser le village. 
     

Un des soldats, Raymond Thomann, va mettre en place un câble électrique, de la batterie du char jusqu'à la cuisine. 
Il faut savoir que l'usine électrique de Strasbourg avait été bombardée un an auparavant et depuis, il n'y avait plus d'électricité dans le village. Quelle joie d'avoir à nouveau de la lumière, même si le couvre-feu est encore en vigueur et que les vitres sont obscurcies par des cartons !

Cela liera ma famille à ce soldat originaire de Saint Sorlin près de Cancale.
Raymond Thomann reviendra souvent en Alsace par la suite et il ne manquera jamais de nous rendre visite."

 

La famille Lutz a également reçu la photo ci-contre de Charles Briollet avec sa femme. Charles Briolet avait fait partie des soldats de la 2e DB, libérateurs de Plobsheim. Il a envoyé cette photo le 2 novembre 1945 de Besançon. 

  • En novembre 1993, une lettre émouvante va être adressée à la mairie par un ancien soldat de la 2ème DB.

    A l'âge de 20 ans, Richard Didio a participé à la libération de Plobsheim et a tenu à partager ses souvenirs avec les habitants de la commune. 
    Cette lettre commence par ces mots :

    Monsieur le Maire,
    Chaque hiver depuis bientôt 50 ans et toujours fin novembre je pense à votre village car j'y ai vécu une merveilleuse aventure. Nous venions de libérer STRASBOURG quelques jours plus tard nous arrivions à PLOBSHEIM, combats rapides mais intenses. Après avoir inspecté les maisons, notre groupe s'éparpille afin de surveiller les alentours.
    Avec notre Half-track nous nous installons bien camouflés dans une cour de maison face à la plaine bordée d'une forêt... la forêt, synonyme pour nous d'embuscade d'où notre tension et notre angoisse, mais malgré quelques tirs sporadiques, la nuit est calme. Et le jour se lève sur nos membres engourdis par la veille et le froid.
    Tout à coup la sentinelle nous alerte, aussitôt nous bondissons brusquement éveillés, la main sur nos armes, prêts à faire feu. Devant nos yeux un homme en uniforme, bottes aux pieds, casquette sur les yeux, pédale en direction du village, on dirait un militaire. [...] "


    Il se trouve que c'est le garde-chasse de Plobsheim, tout content de pouvoir annoncer la naissance de sa fille la nuit dernière, dans un village libéré. Premier bébé français de Plobsheim. Le garde-chasse invite les soldats à venir voir le bébé et à boire un coup et Richard Dido décide de le suivre.
     

    " Je suis introduit vivement dans la maison douillette, il y fait bon. Je vis un rêve... j'entends le garde relater les dernières nouvelles "les Français sont là, félicitations du Docteur, on m’entraîne, venez voir ma fille". Je suis très ému d'être là en contact avec le mystère de la naissance.

    Même l'air que je respire est particulier. C'est une atmosphère spéciale. Face à la maman blottie sous un énorme édredon je ne sais plus quoi dire "Madame... félicitations, mes hommages...". Elle soulève l'édredon, dans son bras j'aperçois une toute petite tête, je suis très ému, tout le monde à l'air si heureux, c'est le bonheur. Et voilà que la maman me tend sa petite fille, ¡e panique, j'ai si peur de la lâcher...

    Depuis novembre 42 je vis dans la guerre avec ses morts, ses blessés, ses décombres et aujourd'hui que m'arrive-t-il ? J'ai 20 ans, je suis soldat : la Tripolitaine, la Tunisie, le Maroc, l'Angleterre, le débarquement en Normandie, la libération d'Alençon, Rennes, Paris, Nancy, Strasbourg et me voilà dans une petite maison au milieu de la forêt de Plobsheim avec un nouveau-né dans les bras. Mes yeux se remplissent d'eau et avant que les larmes jaillissent je me penche sur le lit pour y déposer le précieux paquet, mon cœur fond, je le reprends, je l'embrasse doucement et le rends à sa maman.

    Je ne trouve pas mes mots, je n'ai rien sur moi, à oui mon insigne de la 2e DB que j'épingle sur le lange de la première française née le jour de la libération de son village. Et je suis reparti harassé d'émotion vers mes copains qui m'attendaient anxieux. Je retrouvais un monde que je connaissais mieux, mais je dois dire que depuis cette aventure exceptionnelle, je n'ai plus été le même, non pas tout à fait le même.

    Voilà pourquoi, Monsieur le Maire, un peu de mon cœur est resté à Plobsheim".

L'intégralité de la lettre est à lire ici.

  • Les liens les plus forts vont bien sûr être noués avec les habitants de Port-Sainte-Foy qui ont accueilli et hébergé 850 habitants de Plobsheim pendant plus de 11 mois. 


Le 2 mai 1998, une charte de jumelage liant Plobsheim à Port-Sainte-Foy-et-Ponchapt a été signée par Joël Creton et Gérard Kammerer, maires des deux communes. Depuis cette date, les rencontres sont fréquentes et l'amitié née entre 1939 et 1940 n'a fait que se renforcer.

"Ce n'est qu'avec le passé qu'on construit l'avenir."
Puisse cette citation d'Anatole France nous accompagner, de même que le souvenir des 61 victimes de Plobsheim que nous continuerons d'honorer.


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