En novembre 1993, une lettre émouvante va être adressée à la mairie par un ancien soldat de la 2ème DB.
A l'âge de 20 ans, Richard Didio a participé à la libération de Plobsheim et a tenu à partager ses souvenirs avec les habitants de la commune.
Cette lettre commence par ces mots :
" Monsieur le Maire,
Chaque hiver depuis bientôt 50 ans et toujours fin novembre je pense à votre village car j'y ai vécu une merveilleuse aventure. Nous venions de libérer STRASBOURG quelques jours plus tard nous arrivions à PLOBSHEIM, combats rapides mais intenses. Après avoir inspecté les maisons, notre groupe s'éparpille afin de surveiller les alentours.
Avec notre Half-track nous nous installons bien camouflés dans une cour de maison face à la plaine bordée d'une forêt... la forêt, synonyme pour nous d'embuscade d'où notre tension et notre angoisse, mais malgré quelques tirs sporadiques, la nuit est calme. Et le jour se lève sur nos membres engourdis par la veille et le froid.
Tout à coup la sentinelle nous alerte, aussitôt nous bondissons brusquement éveillés, la main sur nos armes, prêts à faire feu. Devant nos yeux un homme en uniforme, bottes aux pieds, casquette sur les yeux, pédale en direction du village, on dirait un militaire. [...] "
Il se trouve que c'est le garde-chasse de Plobsheim, tout content de pouvoir annoncer la naissance de sa fille la nuit dernière, dans un village libéré. Premier bébé français de Plobsheim. Le garde-chasse invite les soldats à venir voir le bébé et à boire un coup et Richard Dido décide de le suivre.
" Je suis introduit vivement dans la maison douillette, il y fait bon. Je vis un rêve... j'entends le garde relater les dernières nouvelles "les Français sont là, félicitations du Docteur, on m’entraîne, venez voir ma fille". Je suis très ému d'être là en contact avec le mystère de la naissance.
Même l'air que je respire est particulier. C'est une atmosphère spéciale. Face à la maman blottie sous un énorme édredon je ne sais plus quoi dire "Madame... félicitations, mes hommages...". Elle soulève l'édredon, dans son bras j'aperçois une toute petite tête, je suis très ému, tout le monde à l'air si heureux, c'est le bonheur. Et voilà que la maman me tend sa petite fille, ¡e panique, j'ai si peur de la lâcher...
Depuis novembre 42 je vis dans la guerre avec ses morts, ses blessés, ses décombres et aujourd'hui que m'arrive-t-il ? J'ai 20 ans, je suis soldat : la Tripolitaine, la Tunisie, le Maroc, l'Angleterre, le débarquement en Normandie, la libération d'Alençon, Rennes, Paris, Nancy, Strasbourg et me voilà dans une petite maison au milieu de la forêt de Plobsheim avec un nouveau-né dans les bras. Mes yeux se remplissent d'eau et avant que les larmes jaillissent je me penche sur le lit pour y déposer le précieux paquet, mon cœur fond, je le reprends, je l'embrasse doucement et le rends à sa maman.
Je ne trouve pas mes mots, je n'ai rien sur moi, à oui mon insigne de la 2e DB que j'épingle sur le lange de la première française née le jour de la libération de son village. Et je suis reparti harassé d'émotion vers mes copains qui m'attendaient anxieux. Je retrouvais un monde que je connaissais mieux, mais je dois dire que depuis cette aventure exceptionnelle, je n'ai plus été le même, non pas tout à fait le même.
Voilà pourquoi, Monsieur le Maire, un peu de mon cœur est resté à Plobsheim".